Proserpine accueillit avec plaisir les vacances de Noël. Puisque son père restait à l'école, elle n'avait pas de raison de rentrer à la maison. Ils se parlaient peu mais passaient quand même les fêtes ensemble. De plus, l'ambiance à Poudlard était différente, à cette époque de l'année. Le château se vidait de ses élèves et même de quelques professeurs. L'agitation se taisait, laissant place à un bonheur calme, une excitation paisible. L'air se chargeait d'odeurs de chocolat, d'épines de sapin et de papier cadeau, et il y avait du pain d'épice au moins à chaque repas. Proserpine avait même pu aller en chercher directement dans les cuisine où les elfes de maison lui en avaient donné un kilo. Elle n'avait personne avec qui le partager aussi l'avait-elle laissé dans la salle commune pour que tout le monde pût se servir. Romeo était rentré dans sa famille, comme à chaque fois, et il lui avait envoyé trois lettres depuis son départ. Proserpine, dans un élan de sympathie, avait répondu à l'une d'entre elle, mais rien de plus. Elle ne comptait pas lui envoyer de cadeau et était contente qu'il ne fît pas non plus, compte tenu qu'elle lui avait explicitement demandé – comme chaque année – de ne pas le faire.
Il restait encore deux jours avant Noël mais Proserpine n'y pensait pas vraiment. Elle passait ses journées à travailler et à flâner dans les couloirs, laissant même sa cape et son chapeau dans son dortoir. Les vacances lui offraient une liberté dont elle savourait chaque seconde, comme si tout pouvait changer seulement par ces quelques jours de calme, où il n'y avait pas plus d'élèves perturbateurs que d'incidents. Les élèves des différentes maisons pouvaient se mélanger lors des repas, ou réviser en petit groupe. Proserpine n'avait pas à trouver comment faire pour ne pas avoir à s'asseoir à côté d'une personne qui pourrait envisager de lui parler – en général les élèves dans les années inférieures étaient intimidés par sa présence et, donc, ne prononçaient pas un mot. Non pas qu'écouter les stupidités de Sandy l'importait réellement, mais ne pas avoir le faire était particulièrement reposant.
Proserpine avait encore passé sa journée à travailler. Même si l'histoire de la magie et l'astronomie lui donnaient effroyablement mal au crâne, elle sentait qu'elle commençait à retenir quelques informations. Il lui serait probablement impossible d'avoir mieux qu'un Effort Exceptionnel dans ces matières mais réussir à obtenir cette note-là était déjà le fruit d'un dur labeur, et elle n'en était pas mécontente. Assise sur son lit où elle aimait bien travailler de temps en temps, Proserpine laissa tomber sa tête sur le mur et posa ses parchemins d'astronomie sur sa table de nuit. Il était dix-huit heures et faisait déjà nuit noire ; elle se sentait exténuée. Pour ne pas s'endormir trop tôt, elle se força à se relever et remit ses chaussures. Proserpine se passa la main dans les cheveux et se regarda dans son miroir de poche : ils étaient tout emmêlés et ses vêtements étaient complètement froissés, comme si elle s'était réellement endormie en pleine journée. Elle bailla et laissa le miroir tomber sur son oreiller. Proserpine prit son sac posé par terre et son pied buta contre quelque chose qui glissa sous le lit. Elle se baissa pour le ramasser à tâtons et redécouvrit le livre sur le Quidditch qu'elle avait acheté à Fleury & Bott. Elle ne l'avait pas rouvert depuis ce jour-là et ne se souvenait même pas l'avoir rangé dans ses affaires. Sa couverture rouge et beige lui donna une impression étrange : sa dispute avec son père, semblable à toutes les autres, la demande de Julie McFly. Puis elle repensa au dernier match de Quidditch qu'elle avait commenté et que les Serpentards avaient perdu après deux heures difficiles. « L'attrapeur remplaçant est pitoyable » avait-elle dit sous le regard outré de Neptune. Mais elle avait eu raison, comme d'habitude. Poufsouffle avait certainement la plus mauvaise équipe cette année, et même si leur capitaine figurait parmi les meilleures joueuses de toute l'école – une rumeur disait d'ailleurs qu'elle avait été sélectionnée par les Harpies de Holyhead pour les rejoindre à la fin de ses études – ça ne leur permettait pas de faire illusion : qu'ils eussent gagné le match revêtait du pur miracle favorisé par l'absence d'Oliver et la fatigue occasionnelle des autres.
C'était injuste ce qui lui était arrivé et elle était attristée rien qu'en y repensant. Proserpine secoua la tête : depuis quand devenait-elle mélancolique à ce point juste en pensant à quelqu'un ? Lui et Sandy n'auraient pas dû se disputer aussi bêtement de toute façon.
Elle fourra le livre dans son sac et partit en direction de la grande salle. Elle le lirait en sirotant tranquillement du jus de citrouille. Sur le chemin, elle lissa sa jupe et remonta les manches de chemises pour se donner un aspect plus réveillé. Il n'y avait personne dans la grande salle à l'exception de trois Serdaigles en bout de table qui discutaient à voix basse. Proserpine s'assit au centre de la table des Gryffondors et sortit son livre. Elle ne lit pas le début et sauta directement aux exercices spécifiques pour chaque membre de l'équipe.
Au bout d'une demie heure, elle arriva au passage sur les attrapeurs. Dix minutes auparavant une assiette avec des bonhommes en pain d'épice était apparue sur la table et depuis elle se remplissait à l'infini. Alors que Proserpine en prenait un autre, quelqu'un s'assit juste en face d'elle.
– Bonjour Bradbury.
– He, lâcha Proserpine malgré elle. Oliver ? Qu'est-ce que tu fais là ?
– Je passe mes vacances ici, dit-il avec un grand sourire.
– Mais je ne t'avais pas vu avant.
Elle cligna plusieurs fois des paupières. Pour la première fois, l'idée qu'il pût croire qu'elle l'avait cherché la remplit de gêne. Abandonnant son biscuit dans l'assiette, elle posa ses coudes sur la table.
– C'est parce que j'étais malade.
Il sortit un mouchoir de sa poche et elle remarqua que son nez était un peu rouge. Il ne portait pas sa cape non plus et son corps maigre nageait dans sa chemise.
– J'ai passé la semaine au fond de mon lit, c'était pas très drôle.
– C'est pour ça que tu n'es pas rentré chez tes parents ?
Il y eut un silence où il lui sourit timidement.
– Non c'est pas pour ça. Et toi, pourquoi tu ne rentres pas dans ta famille ?
Elle fronça légèrement les sourcils.
– Mon père est le professeur d'étude des runes.
– Ah ! Mais oui, j'avais oublié. J'ai pris étude des runes en plus.
Proserpine sourit en baissant les yeux – c'était sa manière à elle de rire tout simplement.
– Je ne t'avais jamais vu sourire avant, dit-il.
– Et bien, soupira-t-elle sans que son sourire disparût tout-à-fait, il faut une première fois à tout.
– Oui tu as raison ! s'exclama-t-il en se servant un verre d'eau.
Proserpine l'observa en silence. D'ordinaire, la présence des autres lui était totalement indifférente, mais pas la sienne. Sans savoir si elle lui était agréable ou désagréable pour autant – d'un côté, elle se sentait un peu gênée sans raison, et depuis qu'il était là elle n'arrêtait pas de penser à ses cheveux en mauvais état. Mais de l'autre, il était gentil, souriant, et son nez avait une couleur différente à chaque fois qu'elle le voyait.
Elle attendit qu'il eût fini de boire et se pencha un peu en avant.
– Pourquoi n'es-tu pas rentré chez tes parents ?
Oliver eut un rire embarrassé et se massa la nuque.
– Ça t'intéresse, t'es sûre ?
– Oui ça m'intéresse.
Sa réponse le surprit, il sembla hésiter et se lança finalement :
– Mes parents sont divorcés. Et tu sais, ça s'est mal passé comme ça arrive parfois. Ma mère est très caractérielle, c'est difficile de vivre avec elle, et mon père refuse de me voir depuis des années, alors ! C'était plus simple pour moi de rester ici. C'est agréable de rester à Poudlard pendant les vacances de Noël, tu trouves pas ?
Il avait dit tout cela avec une simplicité désarmante. Elle ne sut même pas quoi répondre.
– Oui, c'est agréable, c'est vrai, dit-elle finalement.
– Toi aussi, ta situation familiale est compliquée, pas vrai ? osa-t-il, un peu gêné.
– Tu as dû en entendre parler ?
– Ouais...
Ils s'observèrent un instant. Il n'avait certainement jamais souhaité apprendre sur elle des choses qu'elle ne lui aurait pas dit elle-même. Mais il était rare qu'on osât lui en parler directement – on préférait murmurer sur son passage, éviter son regard ou, pire, la traiter avec pitié.
– Je t'en parlerai moi-même un jour, ajouta-t-elle.
– Tu n'es pas obligée, hein.
En vérité, elle aurait aimé tout lui dire maintenant, enlever ce poids de son cœur. Sa mère, son père, ses choix d'avenir, ses craintes, ses difficultés pour travailler. Sa solitude, parfois – cette impression qu'elle se sentirait seule s'il s'en allait tout de suite, alors qu'elle le connaissait à peine. Le fait qu'elle aimait poser les yeux sur lui, contrairement à ce qu'avait dit Sandy. Le fait qu'il souriait sans cesse. Et ses sourires étaient différents de ceux de Romeo ou même de Flavia Mantis, parce que les leur, ils ne lui faisaient rien, ils se valaient tous.
Les sourires d'Oliver, eux, lui plaisaient beaucoup. Et ce sentiment, elle ne le comprenait pas. Elle ne comprenait pas pourquoi quand son regard croisait le sien, elle ressentait l'envie de détourner les yeux.
– Je dois te dire quelque chose, hum... Et cette fois je suis content qu'il n'y ait personne à côté pour me virer de ta table, plaisanta-t-il avec un rire embarrassé.
Le corps de Proserpine fut parcouru d'électricité.
– Qu'est-ce qu'il y a ?
– Et bien... en fait, je me demandais si tu... Enfin.
Il se frotta les yeux.
– Je suis désolé mais c'est la première fois qu'une fille aussi jolie accepte de discuter avec moi.
Le dos bien droit, elle bomba un peu le torse.
– Tu devrais plutôt dire que c'est la première fois qu'une fille aussi intelligente que moi accepte de te parler.
Oliver eut un grand rire et le cœur de Proserpine se mit à battre à toute vitesse.
– Oui tu as raison. Désolé. Mais, je suis pas si mauvais que ça. J'ai même eu Optimal en histoire de la magie aux BUSES ! Bon ça a été le seul par contre.
– C'est vrai ? demanda-t-elle le plus sérieusement du monde.
– Euh, oui. Pas toi ?
– Pas pour cette matière.
– Mais je te vois tout le temps en train de la réviser.
Oliver s'arrêta brusquement de parler, se rendant compte de ce qu'il venait juste d'avouer.
– Non, oublie s'il-te-plaît, je n'ai rien dit.
– Tu m'observes ?
– Non ! Non, c'est vraiment pas mon genre.
– Très bien, si tu le dis.
Surpris, il haussa un sourcil, cherchant peut-être à savoir si elle le croyait vraiment. En vérité, elle se sentait bouillir de l'intérieur. L'imaginer en train de l'observer lui brûla la peau, des bras jusqu'en haut du cou.
– Je ferais peut-être mieux de m'en aller, dit-il, les joues un peu roses.
Il éternua dans son mouchoir et Proserpine fronça les sourcils.
– Pourquoi ?
– Je n'arrête pas de me ridiculiser.
– Ce n'est pas vrai.
– Je t'en prie. Tu es beaucoup plus intelligente que moi, et beaucoup trop belle. Lindon se foutrait de moi s'il me voyait en train d'essayer de te demander de passer du temps avec moi.
– Lindon est un idiot. Puis tu es intelligent, tu te débrouilles mieux que moi en histoire de la magie.
Elle planta son regard dans le sien et se jura de ne pas le baisser.
– Et tu es très beau.
Oliver écarquilla les yeux – ils étaient brillants, et ses paupières virent au rouge, peut-être parce qu'il était malade.
– Je ne sais pas si tu dis ça par gentillesse mais merci, c'est gentil.
– Je ne dis jamais rien par gentillesse.
Il sourit encore une fois. Ses sourires étaient magnifiques, elle aurait peut-être dû le lui préciser. C'était important qu'il le sût, non ? Pour qu'il pût comprendre ce qu'elle ressentait, juste là.
– Tu veux bien, alors ? Qu'on passe un peu de temps ensemble.
– Qu'est-ce ça signifie ? demanda-t-elle avec grand sérieux.
– Et bien, ça signifie se voir et discuter, sans que les autres soient là. Comme maintenant.
– C'est tout ?
Si ce n'était que ça alors, ça ne devait pas être si terrible. Passer du temps avec quelqu'un dont la présence ne la laissait pas indifférente devait être une chose que faisaient les autres sans se poser de question.
– Oui c'est tout.
– Dans ce cas, je suppose que je n'ai pas de raisons de refuser.
Il eut l'air heureux et elle supposa que quelque part, elle était contente aussi.
Une caresse glissa sur ses doigts et Proserpine n'arriva pas à bouger son bras. Oliver lui prit la main avec timidité et douceur. Elle détestait être touchée, surtout les mains, surtout par les hommes. Mais si c'était lui, alors.
Si c'était lui.
Le cœur de Proserpine s'emballa. Elle n'osa plus le regarder. Quand il approcha son visage du sien, tout doucement, elle ne leva pas plus les yeux. Son souffle embrassa le sien et elle distingua ses lèvres près des siennes, pas assez pour un baiser, mais proches tout de même. Quand avait-on le droit d'embrasser un sourire qui nous plaisait ? Devait-elle le faire ? Elle n'en avait aucune idée, elle n'avait pas eu d'amie avec qui en parler, pas de mère pour lui expliquer.
Est-ce qu'on se sentait moins seul quand on embrassait le sourire de quelqu'un ? N'était-ce pas très égoïste de ne le faire que pour ça ?
– Proserpine !
Il y eut un temps avant qu'Oliver lui lâcha la main et s'écarta brusquement. Ils se tournèrent vers Ruber Bradbury qui, au bout de la table, les foudroyait du regard.
– Viens ici, ordonna-il d'une voix glacée.
Oliver sourit, embarrassé, mais n'osa rien dire. Proserpine, profondément énervée, se leva d'un bond en emportant son sac. Alors qu'elle partait à la suite de son père, Oliver l'appela d'une voix claire, bien qu'hésitante.
– A-Attends Bradbury ! Tu as oublié ton livre !
Mais les portes de la grande salle se fermaient déjà.
Ruber traversa le couloir à grandes enjambés, ne se retournant pas une seule fois vers sa fille qui suivait difficilement le rythme derrière. Il n'avait aucune raison d'être en colère contre elle. Proserpine n'avait strictement rien fait de mal. Concentrée sur sa colère, elle ne vit pas qu'il s'était arrêté et lui rentra dedans.
– Qu'est-ce que vous faisiez ?
Elle leva la tête vers son père et vit comme sa mâchoire était contractée. Il n'avait même pas réussi à attendre d'être dans son bureau pour la sermonner – en même temps, avant d'y arriver, il y avait tout de même sept étages à monter.
– On ne faisait rien.
– Ne mens pas je vous ai vus.
– On discutait.
– C'est un Serpentard.
Proserpine soupira.
– Et alors ? Ce n'est pas parce que tu les déteste que ça doit me faire quelque chose.
– Les Serpentards sont des manipulateurs, tu n'as qu'à voir leur directeur de maison. Tu ne peux pas sympathiser avec eux.
– Tu ne penses pas ce que tu dis, affirma-t-elle d'une voix sèche. Tu es seulement en colère contre moi.
– Je ne suis pas en colère contre toi. Mais Mike Oliver n'est pas recommandable.
– Il est très gentil.
– Il s'est bagarré avec Sandy Lindon il y a à peine quelques semaines.
– Ce n'était pas de sa faute.
– Proserpine, trancha-t-il en fronçant encore un peu plus les sourcils. Je ne veux pas que tu le fréquentes.
– Et de quel droit est-ce que tu me l'interdis ?
– Je suis ton père et tu es mineure.
– Ah, et ça t'arrange bien de ne l'être que de temps en temps !
Ruber eut un mouvement de recul. Elle lut sur son visage qu'il ne comprenait pas – pourtant c'était évident. Elle ne lui avait jamais dit avant, mais il s'agissait de la stricte vérité. Proserpine sentit son sang ne faire qu'un tour, comme si tout ce qu'elle avait gardé en elle pendant toutes ces années surgissait tout à coup.
– Tu t'énerves que je ne te parle pas de moi mais tu ne t'intéresses jamais ! Par contre savoir quel élève s'est encore disputé avec cet abruti de Sandy, ça, tu es parfaitement au courant.
– Qu'est-ce qui te prend de parler comme ça ?
– Si tu t'intéressais vraiment à moi tu me poserais des questions ! Plutôt que de t'étonner que je ne t'ai rien dit. Il suffit de voir ta réaction de tout à l'heure, tu n'as même pas essayé de me comprendre.
– Tu es amoureuse de ce garçon, c'est ça ? demanda-t-il avec une certaine déception.
– Ce n'est pas le problème !
Proserpine se sentait complètement retournée, elle se frotta les yeux sans même s'apercevoir de son geste.
– Tu n'as jamais été là et maintenant tu veux contrôler ma vie ? s'énerva-t-elle.
– Je ne veux pas contrôler ta vie. Je veux seulement en faire partie.
Elle sentit les larmes lui monter aux yeux et ses mains se mirent à trembler.
– Ah oui ? Maintenant que je suis grande ? Maintenant que je ne suis plus une charge pour toi ?
– Tu n'as jamais été une charge pour moi.
– Vraiment ? Donc si tu ne t'occupais pas de moi c'est seulement parce que tu ne m'aimais pas ?
Les yeux de Ruber s'écarquillèrent – de sa vie, elle n'avait jamais vu ça.
– Comment peux-tu dire une chose pareille, Proserpine...
– Ou alors tu ne m'aimais pas autant que maman ? Parce que je ne lui ressemble pas assez, c'est ça ?
Les larmes roulèrent sur ses joues. Elle n'avait pas pleuré depuis cette fameuse fois, dans la cuisine, quelques jours avant son anniversaire.
– C'est pour ça que tu m'as laissé tomber ? hurla-t-elle, la voix pleine de pleurs.
– Proserpine. Je ne t'ai pas-
– J'avais besoin de toi ! À l'enterrement... quand la famille de maman a dit toutes ces choses horribles sur nous, toi tu m'as dit que tu serais toujours là pour moi. Qu'on avait pas besoin d'eux et qu'on devait se serrer les coudes parce qu'on n'avait personne d'autre.
Ses sanglots redoublèrent et sa poitrine s'agita de spasmes.
– Mais tu m'as menti ! J'avais besoin que tu m'aides mais tu n'as pas été là ! J'ai dû apprendre à me débrouiller seule, sans maman et sans toi.
– Je pensais que tu étais assez forte.
– Et bien tu t'es trompé. Ce n'est pas moi qui étais assez forte, c'est toi qui ne l'étais pas assez. Tu as été trop lâche et tu as préféré m'abandonner. Ne te cherche pas d'excuses.
Ruber la regardait avec une faiblesse insupportable. Tout le monde le croyait fort, invincible, intouchable, mais elle savait que c'était faux. Son père était faible – à la mort de sa femme, il s'était écroulé, et c'était Proserpine qui avait dû le porter. S'il était encore là aujourd'hui, c'était grâce à elle, non par car il aurait fait l'effort de vivre pour elle, mais simplement parce qu'elle ne lui avait pas laissé le choix de mourir aussi.
Sa voix se calma ; les pleurs lui brûlaient la gorge.
– Maintenant c'est trop tard. Je ne veux plus de toi dans ma vie.
– Mais je suis ton père, dit-il avec une difficulté palpable.
– Ça ne suffit pas.
Elle se retourna pour partir, les jambes vacillantes sous le poids de sa colère et de sa peine.
– Proserpine, s'il-te-plaît, ne pars pas. Tu es ma fille et tu sais que je t'aime.
Elle s'arrêta, la tête lourde, et lui fit face une dernière fois.
– Désolée, mais ça ne suffit pas non plus.
Puis, Proserpine partit loin de lui, sans un regard en arrière. Et, comme toujours, Ruber la laissa s'en aller.
♦♦♦
Chapitre 4 ←
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire