– Qui peut me rappeler le dernier ingrédient nécessaire à la préparation d'un philtre de confusion ?
Plusieurs Poufsouffles levèrent la main mais aucun Gryffondor. Depuis le temps, ils avaient compris que c'était inutile. Le professeur Mantis désigna une fille assise dans le fond de la salle.
– Du livèche ? hésita-t-elle.
– Exact ! Cinq points pour Poufsouffle.
Depuis le début du cours, elle avait déjà donné vingt autres points à la maison dont elle était la directrice, et parfois pour des motifs invraisemblables, comme le fait que tous ses élèves étaient entrés dans le cachot avant ceux de Gryffondor. Flavia Mantis était une femme très intelligente, et très belle également. Nombreux étaient les garçons qui n'arrivaient plus à aligner deux mots face à elle. Même les filles étaient intimidées de devoir lui adresser la parole lorsque ses yeux noirs et brillants se posaient sur elles.
Néanmoins, pour Proserpine qui l'avait rencontrée enfant comme étant la meilleure et aussi seule amie de son père, c'était surtout une femme un peu fantasque qui s'entendait très mal avec sa mère, beaucoup plus calme et bien moins sûre d'elle.
– Hey... psst. Bradbury.
Proserpine, qui était en train de terminer sa potion, leva les yeux vers Julie McFly. Assise à la table de devant avec Poppy Maiden, elles avaient une mine perplexe. Leurs potions avaient l'une comme l'autre une couleur betterave contrairement à la sienne qui était verte pomme.
– Pourquoi ta potion a pas la même couleur que la nôtre ?
– Vous avez bien fait tout ce qu'il fallait ?
– Bah oui ! Enfin... je crois ?
Julie interrogea Poppy du regard mais celle-ci haussa les épaules.
– Normalement je me débrouille en potion... se défendit-elle. Mais là, j'ai dû faire une erreur.
– Super ! s'énerva Julie en se remettant en face de sa paillasse.
Proserpine ne fit aucun commentaire et remua sa potion dans le sens des aiguilles d'une montre pendant trente-six tours, comme cela était précisé dans le manuel. Cela faisait plus d'un mois que les cours particuliers avec Julie avaient commencé, mais celle-ci ne se décidait toujours pas à s'asseoir à côté d'elle en cours. Proserpine ne savait pas vraiment pourquoi – sûrement de la gêne à cause de ses amis, encore. Après tout elle ne mâchait pas plus ses mots que d'habitude en ce qui concernait l'équipe de Quidditch. Elle avait assisté aux entraînements et ils étaient aussi mauvais qu'en début d'année. Pourtant, elle semblait bien être la seule à le voir.
– Bien, normalement votre potion devrait être terminée. Je vais passer vous voir chacun votre tour pour vous noter.
– Rah c'est pas vrai ! Maintenant elle est noire la mienne, susurra Julie entre ses dents.
– La mienne a toujours une couleur de betterave, dit Poppy, un peu affligée.
Le professeur Mantis regarda à peine le contenu de leur chaudron avant de passer à quelqu'un d'autre. Les deux jeunes filles soupirèrent et, ce qui lui arrivait rarement, Proserpine eut un peu de peine pour elles. Flavia passa devant elle également et, sous un léger sourire, fit disparaître la potion d'un coup de baguette magique. Proserpine rangea ses livres, déjà prête à quitter la salle que le cours n'était pas terminé. Une fois que Flavia eut terminé de noter tous les élèves, elle revint au centre de la salle, particulièrement souriante.
– Bien, c'était très mauvais. Vous êtes en septième année maintenant, vous ne devriez plus faire d'erreurs sur des choses aussi basiques que le sens pour remuer votre potion. Mais voilà ! J'ai voulu être trop gentille, comme d'habitude.
Puis, d'une manière théâtrale elle remit ses longs cheveux noirs derrière son épaule.
– Ça m'apprendra à vouloir accepter tout le monde dans mon cours ! déclara-t-elle d'une voix fleurie. Faites mieux que ça la prochaine fois.
Les années précédents, elle précisait toujours que des gallions pour égailler son humeur après un cours catastrophique étaient fortement appréciés, mais elle ne le faisait plus. Proserpine se demandait si elle s'abstenait uniquement en septième année, peut-être parce que les enjeux devenaient trop importants pour plaisanter.
– Du whisky pur feu de la part de ceux qui m'ont sincèrement déçue aujourd'hui serait apprécié.
Ou peut-être pas.
– Le cours est terminé. Et n'oubliez pas d'aller soutenir votre équipe au match de Quidditch tout à l'heure ! N'est-ce pas les Poufsouffles ? Vous avez intérêt à gagner contre ces rapaces de Serpentards cette année, dit-elle avec une aura qui donnait le sentiment qu'elle ne plaisantait pas.
Puis elle leva haut les bras.
– Il faut gagner la Coupe ! Allez Poufsouffle, faites-moi gagner contre cette saleté de Viridus Emerald !
Viridus Emerald était le directeur des Serpentards et tout le monde savait qu'une compétition furieuse existait entre lui et Flavia. Les Poufsouffles applaudirent en cœur, ainsi que beaucoup de Gryffondors qui les soutenaient toujours face aux verts. Proserpine vit que Sandy n'applaudissait pas du tout : il prévoyait certainement de gagner la Coupe de Quidditch pour sa dernière année et ne comptait pas soutenir une autre équipe, même si celle-ci se retrouvait face à Serpentard.
Proserpine sortit du cachot quasiment la première – elle crut un instant que quelqu'un l'avait interpellée, mais n'ayant vu personne, grimpa les marches jusqu'au rez-de-chaussée sans attendre. Elle n'avait pas de cours avant le début d'après-midi mais il était encore un peu tôt pour déjeuner. Elle décida d'aller dans la grande salle pour réviser l'histoire de la magie en attendant le repas, une des matières où elle avait le plus de difficultés. Elle aurait eu du mal à l'admettre, mais Proserpine n'avait jamais eu une très bonne mémoire.
Il y avait déjà un peu de monde dans la grande salle mais elle trouva une place à la table des Gryffondors sans grande difficulté. Elle ne s'asseyait jamais à côté d'une personne en particulier, même si parfois Romeo venait lui parler ou manger avec elle. Proserpine évita un groupe de deuxièmes années qui jouaient avec des cartes volantes et s'assit un peu plus loin. Sous son nez apparut un peu de pain mais elle préféra ne rien manger. Passé plusieurs minutes à essayer désespérément de retenir les dates de naissance et de mort de sorciers célèbres, du chahut près de la porte d'entrée lui fit lever la tête de son manuel d'histoire. L'équipe de Poufsouffle venait d'entrer sous les acclamations de Vega Eatswood, la préfète de leur maison, qui n'arrêtait pas de scander leur nom à en attirer tous les regards sur elle. Proserpine avait déjà eu affaire à elle et savait qu'elle était autant obsédée par la victoire de Poufsouffle à la Coupe que Flavia Mantis. Un peu agacée, elle hésita à sortir pour aller manger dans un coin plus tranquille.
Alors qu'elle vérifiait dans son sac si elle avait bien pris tous ses manuels de la journée, une ombre gigantesque se posa sur la table juste devant.
– Bradbury !
Elle se retourna et vit Mike Oliver, du haut de sa taille démesurément grande et habillé dans sa tenue de sport. Il était décoiffé et avait un mouchoir enfoncé dans sa narine droite, ce qui n'entachait à rien sa bonne humeur. Sans qu'elle l'eût invité, il s'assit à côté d'elle, les jambes de l'autre côté du banc et à moitié tourné vers elle.
– Tu vas bien ? demanda-t-il.
– Euh, oui.
Puis, elle fronça les sourcils.
– Tu t'es fait mal ?
– Ah, ça ? dit-il en se pointant le visage. Je me suis entraîné à éviter les Cognards, mais je n'arrête pas de saigner depuis l'entraînement d'hier.
– Donc tu n'arrives toujours pas à les éviter.
Il se mit à rire bien qu'elle n'eut pas l'impression d'avoir dit quelque chose d'amusant. Mais il avait un joli rire cristallin.
– Si, si. Je m'en sors bien, enfin d'habitude.
– Je vois ça.
– Si tu viens au match tu t'en rendras compte.
S'ils se connaissaient mieux, elle aurait juré qu'il l'invitait à venir le voir. Mais c'était idiot, pourquoi aurait-il fait ça ?
– Je suis commentatrice, je serai forcément là.
– Ah, mais oui ! J'avais oublié.
C'était bien le seul capable d'oublier ça. Proserpine soupira et referma son sac. Sans savoir pourquoi, lui parler la rendait un peu mal à l'aise. Un peu plus que lorsqu'il s'agissait d'autres personnes, en tout cas. Son cœur battait plus vite depuis qu'il s'était assit à côté d'elle.
– Hey, Bradbury, dit-il en se penchant un peu vers elle, je me demandais-
– Qu'est-ce qu'il fiche là, lui ?
Ils se tournèrent en même temps vers Sandy qui les regardaient avec un air méprisant, des membres de son équipe avec lui, comme souvent. Romeo n'était pas là.
– C'est pas parce que t'as pas d'ami que t'es obligé de ramener tous les verts à notre table, dit-il à Proserpine en ignorant ostensiblement Oliver.
– Ça va, répondit-il à sa place. Je voulais seulement lui parler, c'est interdit ?
– Tu déconnes ? C'est bon elle t'a fait un compliment pendant un match et t'es déjà à fond sur elle.
– N'importe quoi. De toute façon, c'est à elle de me dire de m'en aller, alors fous-moi la paix Lindon.
– Non mais t'es sérieux ! se moqua-t-il. En fait t'as vraiment cru qu'elle était sympa avec toi ? Mais tu lui as juste fait pitié la dernière fois mon pauvre.
Oliver soupira, un sourire agacé sur les lèvres. Proserpine ne pouvait s'empêcher de les regarder se disputer avec une certaine crainte, une main encore sur son sac. C'était la première fois qu'elle se sentait aussi concernée par les provocations inutiles de Sandy contre quelqu'un – même lorsqu'il l'insultait directement, elle ne se sentait pas aussi concernée que ça.
– T'as un match d'avance et tu crois que t'es arrivé ? dit Oliver avec une assurance qui désarçonna Proserpine. Mon équipe battrait toujours la tienne même si tous les joueurs utilisaient les balais de l'école.
– Mais tu crois vraiment à ce que tu dis, en plus. Alors que t'es pas capable d'éviter un Cognard. Pourtant, vu ta gueule, t'as dû en croiser souvent, non ?
Oliver se leva un bond et la main de Proserpine se serra sur son sac. Plusieurs élèves, y compris des Serpentards, rirent à la remarque de Sandy. Pourquoi étaient-ils tous aussi immatures ? C'était complètement stupide de se battre ainsi, surtout avec des remarques aussi fines sur la qualité de jeu ou sur le physique des autres. Elle retrouva ses esprits et se leva à son tour.
– Arrêtez ça, vous êtes complètement ridicules. Tout le monde vous regarde.
– Et alors ? dit Sandy de manière condescendante. Il n'y a que sur lui que c'est désagréable de poser les yeux, pas sur moi !
Le visage bazardé de cicatrices d'Oliver vira cramoisie à cette remarque. Julie, qui était restée un peu à l'écart, éclata bruyamment de rire, comme si elle avait essayé de se retenir jusque là. Oliver se mit à rire lui aussi, faiblement, les sourcils froncés. Il se redressa de toute sa hauteur.
– Ouais et toi d'ailleurs, tu adores que les filles te regardent, pas vrai ?
Sandy se figea, juste une seconde.
– Bah oui Lindon, les vestiaires, c'est pas très discret pour tes petites affaires.
Puis, tout se passa très vite. Sandy enfonça son poing dans la joue d'Oliver qui, léger comme il était malgré sa taille, tomba un bon mètre plus loin. Il voulut se jeter sur lui mais les membres de son équipe l'en empêchèrent, le retenant fermement, alors qu'Oliver se protégeait la tête avec son bras. Encore au sol, il recula, surpris. Il ne s'était probablement pas attendu à une telle violence et, désormais, son visage était couvert de sang. En le frappant, Sandy avait rouvert la plaie à sonnez qui, comme Oliver l'avait dit, saignait encore.
Le capitaine de l'équipe sembla se calmer et il se dégagea de l'emprise des autres.
– Ce salaud. Il me voit avec une fille dans les vestiaires et il s'en vante en plus, siffla-t-il en regardant tout autour de lui.
Encore au sol, Oliver fronça les sourcils.
– Quel voyeur dégoûtant ! hurla Vega Eatswood qui, en bonne préfète, ne faisait rien du tout. Il matte les couples dans les vestiaires !!
Oliver roula des yeux et se releva en silence.
Les deux joueurs de Quidditch s'observèrent, une colère vive chez l'un comme chez l'autre. Proserpine regarda le sang couler du nez d'Oliver avec une certaine tristesse. Il aurait mérité qu'elle lui offrît un mouchoir pour s'essuyer, mais elle était incapable de bouger, comme paralysée.
– Qu'est-ce que c'est que ça ? cria une voix féminine depuis le fond de la salle. Mais qu'est-ce qu'il vous prend ?
Flavia Mantis, rouge de colère, vint se positionner entre les deux.
– Comment osez-vous battre en plein dans la grande salle ? Vous êtes deux inconscients ! Bradbury et Emerald seront furieux contre vous, attendez-vous à faire perdre plus de points à votre maison que vous n'en avez jamais fait perdre dans toute votre vie !
Le visage d'Oliver se décomposa et, de part et d'autres, Gryffondor et Serpentard se plaignirent bruyamment.
– Mais j'ai rien fait !
– Il m'a cherché ! se défendit Sandy.
– Taisez-vous ! Et vous, Mr. Oliver, ne vous attendez pas à participer au match tout à l'heure, je doute que le professeur Emerald vous y autorise.
Alors qu'elle les obligeait à la suivre, Oliver essaya de s'expliquer. Il dit que ce n'était pas juste, qu'il voulait jouer, qu'il n'avait rien à voir avec tout ça. Le cœur de Proserpine se serra comme si, quelque part, elle se sentait un peu responsable.
Elle les regarda s'éloigner et pria pour que, même une seconde, juste pour un regard, Oliver se retournât et croisât le sien. Elle aurait aimé l'encourager, même à distance, car il ne méritait pas de rater le match à cause de Sandy. C'était un bon attrapeur, et elle n'avait pas dit cela par gentillesse mais parce que c'était la vérité. Elle pria sincèrement pour qu'il se tournât vers elle mais, jusqu'à ce qu'il disparût derrière la porte, elle ne vit que son dos.
Plus tard, lors du match, elle constaterait qu'on ne l'avait pas autorisé à y participer.
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Chapitre 3 ←
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