– Sandy Lindon a perdu le Souafle !
– Pas très étonnant vu sa posture. En septième année et toujours pas capable de tenir sur un balai, soupira Proserpine.
Neptune McFly, sa camarade de Serdaigle, lui lança un regard effaré, comme à chaque fois que sa camarade disait quelque chose. Essayer de trafiquer son micro avant le début du match n'avait pas suffit et tout le monde dans les tribunes pouvait entendre les remarques acerbes de la jeune Gryffondor. Neptune ne comprenait pas pourquoi Proserpine était aussi populaire en tant que commentatrice alors qu'elle ne prenait même pas le Quidditch au sérieux ! Les poings serrés, elle se concentra de nouveau sur le match. Le professeur Carthaigh, lui, timide comme il l'était toujours, réagissait d'une voix si basse que personne ne faisait attention à lui.
– Serpentard a perdu le Souafle. Lindon le récupère, ah, il veut sa revanche ! Woodpick le bloque depuis le début de la rencontre, il n'a pas pu encore marquer mais il compte bien le faire !
– Si seulement il en était capable.
– Miss Bradbury s'il-vous-p-
– Il fonce vers les buts ! hurla Neptune en coupant la parole à son professeur sans s'en rendre compte. Il va marquer !
– Il ne le fera pas, trancha Proserpine.
Un grand soupire venu des tribunes vint confirmer ses dires. Neptune ne put s'empêcher de jurer car, même en étant du côté des Serpentards, elle ne supportait pas l'idée que Proserpine eût raison. Depuis le terrain, Sandy foudroya la jeune commentatrice du regard, attendant bien qu'elle s'en rendît compte, et glissa quelque chose aux membres de l'équipe dont il était le capitaine. Proserpine le soupçonna un instant de leur avoir demandé de la viser avec le Cognard, comme il le faisait au moins une fois par match. Elle était habituée et l'évitait à chaque fois – ce qui n'était pas difficile, un Cognard n'était pas censé viser n'importe qui non plus.
– Dix points pour Serpentard ! Les premiers. Il faut dire que l'équipe est en très grande forme aujourd'hui !
– Ce système de point est vraiment inutile. Je suppose qu'il est censé faire croire que les autres membres de l'équipe en dehors de l'attrapeur servent à quelque chose, mais statiquement ils sont loin du compte.
– N'importe quoi ! s'énerva Neptune en oubliant de suivre le match, ne remarquant pas les dix points supplémentaires pour Serpentard. Une équipe peut très bien gagner sans attraper le Vif d'Or !
– Dans le cas où l'attrapeur de l'équipe adverse est suffisamment idiot pour l'attraper et ainsi faire perdre son équipe. Même Gryffondor n'en serait pas cap-
Proserpine évita de justesse le Cognard qui avait foncé sur elle, s'étant faite surprendre. Elle entendit l'arbitre hurler de tout son soul sur Julie McFly, une des batteurs de l'équipe de Sandy, mais celle-ci ne fut pas inquiétée plus que cela, n'ayant pas atteint sa cible. Proserpine s'en fichait bien, elle était seulement agacée d'avoir été coupée. Neptune n'avait rien raté mais ne s'en enthousiasma pas – elle ne trouvait pas l'attitude de Julie McFly appropriée.
– Bon... très bien, dit-elle en se concentrant de nouveau sur le match. Où en est le score ? Quarante à zéro ! Mais... enfin. Les Serpentards ont une avance considérable et... Oh ! Sandy s'avance vers les buts ! Il prend tous les Serpentards par surprise ! Il marque ! Ah, ah ! Bravo Sandy !
Proserpine soupira dans le micro. Toutes les filles étaient fans de Sandy, même lorsqu'il se trouvait dans l'équipe adverse, et elle avait bien du mal à comprendre pourquoi. Il avait même réussi à vendre dans la cour des badges avec un lion qui rugissait dès qu'on prononçait son nom. Un professeur lui avait très vite tout confisqué mais Proserpine avait vu Neptune en acheter un – celle-ci ne l'avait cependant jamais épinglée à sa chemise.
– Ils rattrapent leur retard !
– Quarante à dix ? ironisa-t-elle d'une voix égale. C'est un score pitoyable, pour une équipe comme pour l'autre. Woodpick est à peine plus stable sur son balais qu'un première année, c'est miraculeux qu'il ait réussi à marquer. Et on est déjà à vingt minutes de temps perdu.
– Mais tais-toi !
Le professeur Carthaigh dit quelque chose mais sa voix fut très vite couverte par les acclamations du public.
– Tiens, je crois que les attrapeurs ont repéré le Vif d'Or.
Neptune se leva pour mieux le voir.
– Ils descendent en piqué vers le sol ! Attention au choc ! hurla-t-elle, pleine d'enthousiasme.
Ils se redressèrent bien avant et montèrent haut dans le ciel. Personne ne prêta attention aux dix points supplémentaires marqués par Gryffondor.
– C'est Oliver qui l'aura, dit Proserpine, la tête reposant dans sa main. C'est le seul attrapeur de cette année qui soit crédible.
– Comment tu pourrais savoir ça, toi ? Tu t'intéresses même pas au Quidditch ! répliqua Neptune en oubliant que tout le monde avait entendu sa remarque.
Sa camarade ne répondit pas. L'une comme l'autre regardaient les attrapeurs descendre de nouveau vers le terrain en piqué. Oliver avait une avance évidente sur Miles, son opposante Gryffondor, et la dépassait d'au moins un mètre. Pourtant, à la surprise de tout le monde, y compris Proserpine – qui haussa même les sourcils – il fut percuté de plein fouet par un Cognard qui le fit tomber de son balais. Miles, sans être déconcentrée, se jeta sur le Vif d'Or et, d'un geste triomphant, le montra à la foule. Neptune, prise de court, ne réagit pas tout de suite.
– C'est... c'est Gryffondor qui gagne le match ! Serpentard a dominé tout le long mais Miles a été plus fort qu'Oliver !
– C'est McFly qui a été plus forte qu'Oliver. Sans ce Cognard, il ne serait pas tombé de son balais.
– C'est le jeu, Bradbury ! Il avait qu'à l'éviter. Tu es seulement énervée de t'être trompée sur lui.
Proserpine ne s'était pas trompée, mais le dire ne servait à rien. Neptune continua à commenter, refaisant tout le fil du match qui n'avait duré que vingt-trois minutes. Sandy, trop heureux d'avoir finalement gagné, en oublia même de s'énerver contre la commentatrice. Encore sur son balais, il vola près des tribunes et tapa dans les mains des élèves de sa maison. Neptune lui fit un signe de main pour qu'il vînt la voir également mais il ne le fit pas.
Quand l'excitation retomba, tout le monde commença à s'en aller. Proserpine, la première, se leva de sa chaise en soupirant et descendit les quelques marches qui donnaient sur la tribune des spectateurs. Elle préféra partir du côté Serpentard car elle était toujours moins sévère avec leur équipe qu'avec celle de cet idiot de Sandy Lindon. La plupart d'entre eux l'appréciaient plutôt bien, d'ailleurs, et se demandaient pourquoi elle n'avait pas atterri dans leur propre maison. La raison était simple : plus qu'autre chose, Proserpine n'avait peur de rien. En traversant la foule, qui lui laissait assez naturellement la place de passer, une voix l'interpella.
– Bradbury, attends !
Elle ne reconnut pas tout de suite cette voix et fut légèrement étonnée de voir Avril ici, puisqu'elle n'était pas du bon côté des gradins. Ses yeux lançaient des éclairs mais, même à dix-sept ans, son aspect de poupée de porcelaine n'avait pas disparu. Ses cheveux étaient seulement plus longs, aujourd'hui, et des couches de maquillage cachaient une peau devenue disgracieuse, même si elle n'en était pas moins belle pour autant.
– Qu'y a-t-il ? demanda-t-elle.
– Tu... tu...
Ses joues rosirent.
– Tu n'avais pas à parler des joueurs comme ça !
– Pourquoi ça ? Ça fait deux ans que je suis commentatrice, si on avait eu à y redire on m'aurait déjà renvoyée.
– Tu n'aurais jamais gardé la place si ton père n'était pas vice-directeur !
Cette réflexion ne lui fit ni chaud ni froid. Elle tourna les talons sans même répondre.
– Attends, je n'ai pas terminé !
– Pourquoi t'énerves-tu seulement maintenant ? répondit-elle en s'arrêtant de nouveau.
– Oui et bien... j'aurais dû le faire bien avant. Tu es irrespectueuse, et grossière !
Quelques Serpentards se tournèrent vers elles.
– Tu te trompes. Je suis franche, c'est tout.
– N'importe quoi, ce que tu as dit sur Amil... ce n'était pas vrai !
– Amil Woodpick ? Il est mauvais, à peine passable comme poursuiveur. Et alors ? Qu'est-ce que ça peut te faire ?
– Ça peut me faire que c'est mon petit-ami ! Et tu n'as pas à parler de lui comme ça !
– Woodpick est ton petit-ami ? Mais tu le détestes.
Le visage d'Avril se tordit de haine.
– J'avais douze ans à l'époque, Proserpine ! J'ai évolué depuis !
Puis, elle la détailla de haut en bas avec amertume.
– Mais pas toi apparemment.
Proserpine déglutit.
– Je continuerai à faire comme je fais d'habitude, désolée que ça te déplaise, dit-elle en lui tournant le dos.
– Je n'ai pas fini de te parler !
– Moi si.
Puis, sans même lui jeter un dernier regard, Proserpine fendit la foule et descendit des tribunes pour rejoindre l'intérieur du château.
Elle et Avril n'étaient plus amies depuis longtemps. Il y avait d'abord eu les lettres, l'été entre la première et la deuxième année, auxquelles elle n'avait pas répondues. Les excuses qu'elle ne lui avait pas présentées à la rentrée. La complicité qui avait fini par s'éteindre. La mort de sa mère qu'elle lui avait cachée – c'était cela, plus que tout le reste, qu'Avril ne lui avait pas pardonnée. Une violente dispute en deuxième année avait éclaté et, depuis, plus rien. Proserpine ne savait même pas qu'elle avait un petit-ami et c'était quelqu'un d'autre qui lui avait appris qu'elle avait raté ses BUSES l'année précédente.
Mais son amitié, elle n'en avait pas eu besoin. Ni de celle de Romeo. Ils auraient dû comprendre ça.
Dans la cour du château, l'équipe de Gryffondor fêtait sa victoire et chantait la gloire de leur batteur et de leur attrapeur, les deux filles du jour. Proserpine, depuis le couloir, n'envisagea pas du tout de les rejoindre. Elle trouvait leurs réjouissances abrutissantes et se fichait bien que sa maison eût gagné le match, ça ne lui procurait aucun plaisir. Dans son dos, un bruit de feu d'artifice la fit se retourner. Romeo émergea d'un petit nuage de fumée en titubant.
– J'en ai dans les yeux !
Proserpine l'éventa d'une main paresseuse.
Voilà des années qu'il essayait de créer un nuage de fumée qui pourrait s'activer dès qu'il le voudrait, pour donner à ses apparitions un petit quelque chose de plus épique. Mais Romeo, la magie, ce n'était vraiment pas son fort. Ses notes aux BUSEs figuraient parmi les pires de toute l'histoire de l'école mais, loin de l'attrister, il savait déjà qu'après ses études il irait travailler dans le café de ses parents moldus. C'était d'ailleurs cette raison qui avait convaincu les professeurs de ne pas le faire redoubler tout le long de sa scolarité. Aussi, même un petit nuage de fumée lui posait des problèmes. Proserpine avait bien essayé de lui donner des cours mais ça semblait inutile.
Sans qu'elle l'aidât d'une quelconque façon, il trouva un bout de mur pour s'y adosser, les larmes aux yeux.
– J'ai l'impression que c'est de pire en pire ! rit-il. Qu'est-ce que je fais de mal ?
– Tout. Tu ne tiens même pas ta baguette correctement.
Loin de se vexer, Romeo s'en amusa et rangea sa baguette. Il utilisa le bandeau qu'il avait sur les yeux – celui qu'il mettait pour garder son identité secrète de super-héros – pour tamponner ses paupières avec. Même à seize ans, Romeo était toujours un gamin. Il se proclamait seul super-héros de tout Poudlard et adorait sauver les demoiselles en détresse. Cela plaisait beaucoup aux filles, d'ailleurs, car il était loin d'être laid. Mais lui, les filles, ou les garçons, il ne les voyait pas. Il ne comprenait pas quand Proserpine, indifférente à ses charmes, lui expliquait que s'il avait autant de femmes à sauver c'était certainement parce qu'elles le faisaient exprès pour qu'il les portât dans ses bras. Romeo était particulièrement beau, avec sa beau bronzée et ses cheveux en bataille, mais lui qui ne ressentait d'attirance pour personne avait certainement du mal à concevoir qu'on en ressentît pour lui.
Lorsqu'il eut terminé de s'essuyer les yeux, il vint à la gauche de Proserpine qui, impassible, regardait la fête qui avait eu lieu dans la cour. Ils n'avaient même pas enlevé leurs tenues, remarqua-t-elle.
– Tu as vu ? C'est Gryffondor qui a gagné. C'est cool, non ? Sandy est super content, ça se voit. Ce sera la fête toute la nuit dans la salle commune.
Romeo s'en amusait. Proserpine n'avait jamais compris comment il pouvait être ami avec Sandy – ce type prétentieux et imbuvable, qui posait un regard dominateur sur toutes les filles qui l'entouraient.
Comme s'il l'avait entendu, le capitaine de l'équipe se détacha de la foule et se dirigea vers eux. Le sourire sur ses lèvres agaça Proserpine qui tourna les talons pour ne pas avoir à lui parler.
– Bah alors, Bradbury ! On est pas contente parce j'ai battu son équipe chérie ?
Elle aurait pu partir mais s'arrêta tout de même.
– J'ai jamais compris comment t'as pu atterrir chez nous, sincèrement. Tu te la pètes exactement comme eux.
Elle se retourna.
– Si ton équipe a gagné ce n'est pas grâce à toi.
– C'est ça ! C'est moi le capitaine, même si tu ne supportes pas cette idée, la victoire de n'importe quel membre de l'équipe est forcément due à la mienne. Et même sans ça je reste le meilleur joueur.
– Le moins mauvais.
Julie McFly qui se trouvait dans le dos de Sandy fit un bruit de crachas.
– La vérité te dérange, ajouta-t-elle. Mais effectivement, aujourd'hui, vous avez réussi à gagner. Étonnamment.
– Mais quelle connasse, j'y crois pas ! s'énerva-t-il en faisant un pas vers elle. Ose me le redire. Tu saurais même pas soulever un Souafle si tu essayais. Sans ta baguette, tu n'es plus rien !
– Hey, Sandy, calme-toi ! dit Romeo, toujours souriant. Pourquoi tu t'énerves ? Elle dit ça pour plaisanter, mon vieux.
Les deux Gryffondors se jaugèrent du regard. Ils ne plaisantaient absolument pas, il n'y avait que Romeo pour le croire. Sandy abandonna le duel et se tourna vers son meilleur ami.
– J'ai jamais compris comment tu faisais pour la supporter, dit-il en lui tapant les épaules. On va en salle commune, tu viens avec nous ?
– OK ! Proserpine, tu viens ?
– Mais non, l'invite pas ! soupira-t-il.
Sans prendre la peine de lui répondre distinctement, elle tourna les talons.
– Non merci.
Proserpine disparut à l'angle du couloir et se dirigea vers les escaliers. Alors qu'elle mettait un pied sur la première marche, un écusson vert lui bloqua le passage. Un peu agacée intérieurement, elle se demanda ce qu'ils avaient tous, aujourd'hui, à la prendre à partie.
Tandis qu'elle levait la tête vers Mike Oliver, l'attrapeur des Serpentards, l'escalier se déplaça sur la gauche, la forçant à se tenir à la rambarde.
– Bradbury ! lui dit-il avec un visage enthousiaste. Je voulais te remercier, pour tout à l'heure.
Proserpine le regarda, sans comprendre. Oliver était immense, plus mince que le manche de son balais, et avait des cicatrices d'acné sur le visage. Un peu de sang recouvrait son menton, probablement à cause du Cognard qu'il avait reçu, mais il semblait en bon état. Même si on se moquait moins de lui depuis qu'il avait intégré l'équipe de Quidditch l'année précédente, il était encore la risée de beaucoup d'élèves à cause de son physique un peu atypique. Pourtant, il n'avait pas l'air d'être un garçon méchant.
– Tu as dit que j'étais le seul attrapeur crédible cette année. Je t'ai entendue. Je ne sais pas si tu as raison mais... ça m'a fait plaisir.
Proserpine haussa un sourcil.
– Je n'ai pas dit ça pour te faire plaisir, répondit-elle.
– Oui, je me doute. Enfin, tu es bien la seule à le penser en tout cas.
– Si tu veux que les autres comprennent ce qu'il en est vraiment, évite le Cognard la prochaine fois.
Oliver eut un beau rire, plein de sympathie, et lui fit un signe de main.
– Ouais, compte sur moi ! Je veux pas que ce foutu Lindon gagne encore une fois ! Il est vraiment imbuvable ce mec, pas vrai ?
Tous les garçons détestaient Sandy à cause de sa popularité, probablement lui plus que les autres. Elle ne pouvait qu'acquiescer. Oliver lui fit un sourire et descendit l'escalier, la laissant seule avec une sensation étrange dans l'estomac. Personne ne l'avait remerciée pour quelque chose depuis longtemps, et même cette fois-là, elle trouvait ça injustifié. Oliver était doué, tout simplement, il n'aurait pas dû se réjouir qu'elle l'admît. Elle espéra qu'il ne le refît plus jamais.
Proserpine s'engouffra dans le couloir du septième étage en espérant rejoindre les dortoirs avant d'avoir à croiser les autres dans la salle commune. Elle passa devant le bureau de son père, qui en sortit peu de temps après son passage. Ils échangèrent un regard mais ne se dirent rien, Ruber partant dans la direction opposée.
S'il y avait bien une seule personne dans l'école qui n'avait rien à lui dire, c'était son père.
Pour Proserpine, cette année scolaire s'annonçait aussi longue que les autres.
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